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Ajout de fibres dans l’aliment Un moyen pour réduire la volatilisation d’ammoniac des lisiers

Ajouter des sources de fibres dans l’aliment a-t-il un effet quelconque sur la volatilisation de l’ammoniac et la production de méthane des effluents porcins ? Apparemment oui, comme l’indique une étude menée conjointement par le Cemagref, l’Université européenne de Bretagne et l’Inra.

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L’ajout de coproduits de biocarburants en tant que sources de
protéines et de fibres dans l’alimentation permet de réduire
le taux de volatilisation de l’ammoniac au stockage et
d’augmenter la production de méthane.(© Terre-net Média)

Des études, menées ces dernières années, ont montré qu’il était possible de réduire les émissions d’ammoniac en agissant sur l’alimentation des porcs. Il a ainsi été montré que la réduction de la teneur en protéines, la supplémentation en acides aminés ou bien encore l’ajout de fibres dans la ration permettaient de réduire à la fois l’excrétion azotée et les émissions d’ammoniac.

« D’autres études ont par ailleurs montré qu’une baisse du taux protéique de la ration entraînait une réduction de la production de méthane et que l’ajout de fibres fermentescibles avait l’effet inverse », souligne Guillaume Jarret du Cemagref et de l'Université de Bretagne.

Réduire la production de méthane via l’alimentation

« La modification de l’alimentation pourrait aussi influencer la production de méthane des effluents, mais très peu d’études ont été conduites sur ce sujet. » Ces nouvelles données prennent tout leur intérêt ces dernières années, dans la mesure où de nouvelles matières premières, riches en protéines et en fibres sont disponibles sur le marché, comme les coproduits de biocarburants (bioéthanol et biodiésel).

« Dans ce cadre, il semble intéressant de déterminer si l’incorporation de ces matières premières, telles que drêches de blé, pulpes de betteraves et tourteaux de colza gras, influence la volatilisation d’ammoniac et la production de méthane des effluents » résumait le spécialiste du Cemagref. C’est tout l’objet d’une étude menée en collaboration entre le Cemagref, l’Université de Bretagne et l’Inra.

Cinq régimes en comparaison

« L’objectif de cette étude est de déterminer l’effet de l’incorporation de 20 % de trois matières premières riches en fibres (drêches de blé, pulpes de betterave et tourteaux de colza gras) sur les performances zootechniques et l’excrétion d’azote et de carbone des animaux, ainsi que sur la volatilisation d’ammoniac et la production de méthane des effluents », rappelait Guillaume Jarret. Ces régimes sont comparés à deux régimes témoins, à base de céréales et de tourteaux de soja, contenant 17,5 ou 14 % de matière azotée totale.

Ce qu’il faut retenir…

Cette étude, menée conjointement par le Cemagref, l’Université de Bretagne et l’Inra, montre que l’ajout de coproduits de biocarburants en tant que sources de protéines et de fibres dans l’alimentation permet : d’orienter l’excrétion azotée vers les fécès, de diminuer le taux de volatilisation de l’ammoniac au stockage et d’augmenter la production de méthane.

La composition des aliments et son effet sur la quantité et les caractéristiques des effluents devraient donc être pris en compte, dans le cadre de l’optimisation des filières de collecte et de traitement des effluents; ceci, afin de minimiser les émissions non contrôlées d’ammoniac et de méthane.

Les résultats montrent que l’ajout de sources de fibres n’a pas eu d’effet marqué sur les performances zootechniques des animaux (lire ici les résultats dans leur intégralité).

« On note cependant que la croissance des animaux est plus élevée et que l’IC tend à être plus faible pour le régime témoin R1 que pour les régimes enrichis en fibres, en accord avec la valeur énergétique supérieure de cet aliment. »

Des fécès plus riches pour les régimes enrichis en fibres

En revanche, cet ajout a permis de modifier la répartition des excrétats azotés des urines vers les fécès, diminuant ainsi la part de l’azote ammoniacal, de réduire le pH des fécès et des lisiers et d’augmenter la production d’acides gras volatils. « L’ajout de fibres entraîne le doublement de l’excrétion azotée fécale et diminue, dans le même temps, l’excrétion azotée urinaire de 6 à 26 % par rapport aux régimes témoins. »

Pour comprendre cette réduction, il faut avoir à l’esprit que la cellulose et les hémicelluloses, présentes en plus fortes quantités, ont servi de source d’énergie à la microflore du gros intestin ; cette énergie a de fait favorisé la captation d’ammoniac sanguin au détriment de l’excrétion urinaire. « Les fécès, issus des régimes enrichis en fibres, contiennent donc plus d’azote, de carbone et d’énergie que ceux qui proviennent des deux régimes témoins. »

Une baisse de 13 à 33 % de la volatilisation d’ammoniac

La concentration en azote ammoniacal des lisiers, issus des régimes avec ajout de fibres, est pratiquement équivalente à celle du lisier provenant du régime à 14 % de MAT. « L’ajout de sources de fibres a permis de diminuer la concentration en azote ammoniacal des lisiers de 30 % en moyenne par rapport au régime témoin à 17 % de matières azotées totales. »

L’analyse des résultats montre, par ailleurs, que « la dynamique d’émission et la production totale cumulée de méthane sont affectées, à la fois, par la nature du régime et par le type d’effluent ». De plus, l’ajout de fibres fermentescibles dans la ration entraîne une baisse du pH, liée à la production d’acides gras volatils.

L’action combinée de la baisse de la concentration en azote ammoniacal et du pH a pour conséquence une réduction de la volatilisation d’ammoniac des lisiers : en effet, la volatilisation est réduite de 13 % pour le régime à faible teneur en protéines et de 19 à 33 % pour les régimes enrichis en fibres.

Le processus de fabrication des drêches, facteur d’influence

Le potentiel maximal de production de méthane, obtenu dans cette étude, est comparable à la bibliographie. « Il faut toutefois relever que moins le régime et le lisier contiennent de fibres fermentescibles, moins il produira de méthane. En effet, la production de méthane est liée à la teneur en carbone total et  en acides gras volatils des lisiers. »

Logiquement, les résultats indiquent donc que le potentiel maximal de production de méthane est plus élevé dans les lisiers issus de régimes à fortes teneurs en fibres fermentescibles et en protéines (R5, R1 et R4). On peut toutefois relever que le potentiel maximal de production de méthane du lisier R3 est le plus faible alors que ses teneurs en protéines et en fibres fermentescibles sont proches de celles des lisiers R4 et R5.

« L’explication tient probablement au processus de fabrication des drêches de blé : ce dernier implique des étapes de chauffage pouvant être à l’origine d’une complexation des protéines, avec des molécules telles que la lignine, les rendant soit inaccessibles aux bactéries associées à la méthanisation, soit difficilement dégradables. »

Pour aller plus loin : www.ifip.asso.fr.

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